dimanche 10 mars 2013

Octave Uzanne et l’usage de la morphine : vrai ou faux ?

La Morphinomane,
par Eugène Grasset (1900)
Voici deux extraits d'ouvrages : « L’opium est à la mode depuis que la France a des colonies et depuis que Baudelaire a publié Les Paradis artificiels. Pour écrire les chapitre techniques de Lélie, fumeuse d’opium (qui répond aux Fumeurs d’opium de de J. Boissière), Willy s’adresse à P.-J. Toulet, un connaisseur. La morphine fait des ravages plus discrets, dont témoignent éloquemment la douloureuse Morphinomane d’Eugène Grasset (1900) et le destin d’Octave Uzanne. » in Pierre-Olivier Walzer, René Godenne, Approches I : Toulet – Colette – Cendrars – Apollinaire – Breton. Paris, H. Champion, 1993).
Dans la biographie de Jean Lorrain par Thibaut d’Anthonay, à propos du duel qui opposa l’auteur de Monsieur Bougrelon au jeune Marcel Proust le 6 février 1897 dans le bois de Meudon : « Chacun des témoins de Lorrain se serait, semble-t-il, distingué à l’occasion : « Octave Uzanne, qui arrive, avec une demi-heure de retard, le visage gris et tiré, encore sous l’effet de la morphine », selon Painter, et Paul Adam « qui d’émotion avait une crise d’hystérie », se souviendra Proust dans une lettre de 1922. »

A la lecture de ces deux extraits se pose la légitime question : Octave Uzanne fit-il usage de la morphine ? Si oui pour quelles raisons ? Serait-ce pour soulager quelque douleur du corps ? de l’âme ? Aucune information ne transpire à ce sujet dans aucune des lettres intimes que nous avons pu consulter à ce jour. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’au tournant de l’année 1904 ou 1905, Octave Uzanne prend la décision radicale de mener une vie « saine ». Il décide alors de s’éloigner de nombreuses tentations que lui offrait la Grande Ville : Paris. Il fait alors le choix du calme, des repas réglés, des plaisirs sages et des relations choisies et modérées au strict minimum. Ce choix lui a-t-il été dicté par des problèmes de santé ? une hygiène de vie déplorable ? Il semblerait que ce soit un peu tout cela à la fois. Dans les années 1897, Uzanne et Lorrain sont très bons amis et confidents. Sans doute Jean Lorrain entraîne-t-il Octave Uzanne sur la pente de sa décadence. Cette petite descente en enfer était-elle jonchée d’éther et de morphine ? C’est tout ce qu’il nous faudra découvrir bientôt. Nous verrons également prochainement qu’Octave Uzanne souffrait à cette époque de crises nerveuses, de neurasthénie chronique, d’un mal de vivre allié à quelques défaillances physiques et psychiques. La morphine était à cette époque le remède commun pour soigner ce type de dépressions. Le lundi 9 septembre 1907 Uzanne écrit à son frère Joseph, depuis une pension à Barbizon où il se repose : « Les médecins d’ailleurs, même les réputés les plus calés ne voient que du feu dans tous ces désordres nerveux. Je sens, moi, j’observe, je conclus par du calme, aucune excitation et avec le temps je triompherai. »

Bertrand Hugonnard-Roche

1 commentaire:

  1. Jean Lorrain écrira :

    La Morphinée

    Oh la douceur de la morphine
    Son froid délicieux sous la peau
    On dirait de la perle fine
    Coulant liquide dans les os
    Jean Lorrain

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